Cyber-harcèlement, la liberté d'expression mise à rude épreuve
Certes, la parole des femmes se libère, et les réseaux sociaux sont un outil précieux pour diffuser des messages, sensibiliser les internautes sur plusieurs sujets qui restent parfois dans l'ombre au sein des médias traditionnels. Le célèbre mouvement #MeToo, hashtag utilisé sur Twitter pour dénoncer les cas de harcèlement sexuel, a permis une visibilité de ce problème à grande échelle. Pourtant, la liberté d'expression sur ces questions n'est pas sans risque. En effet, de nombreuses féministes ont reçu des flots d'insultes et se sont faites harcelées après avoir pris la parole.
Une youtubeuse française du nom de Marion Séclin a posté plusieurs vidéos en mars 2016 sur le thème du féminisme et du harcèlement de rue, en reprenant des idées reçues sur ces questions et en les déconstruisant avec humour. Suite à la publication de ces vidéos, la youtubeuse a reçu de nombreux commentaires négatifs, certains argumentés et constructifs, mais la plupart étant au contraire des insultes, des appels à la violence et au viol, au meurtre et au suicide, etc. En effet, un youtubeur du nom de "Raptor Dissident", ayant une ligne éditoriale volontairement haineuse, a repris les vidéos de Marion Séclin en donnant un avis plus que contestable sur le féminisme et en appelant ses internautes à décrédibiliser la jeune femme en postant des commentaires haineux sur ses vidéos. Elle continue pourtant à faire des vidéos, et n'a pas désactivé les commentaires sous ces dernières pour montrer un paysage représentatif des réactions qu'a suscité son travail.
Marion Séclin dans une de ses vidéos ayant déclenché une vague de commentaires haineux
Autre cas : Caroline de Haas, militante féministe et femme politique française, a décidé de se retirer des réseaux sociaux en février dernier suite à un harcèlement qu'elle a subit après que sa parole ait été tronquée, déformée et réutilisée à tort et à travers dans d'autres médias, notamment au sein du journal L'Obs. Elle réagit dans un article quelque jours plus tard: "Ce titre a déclenché une tempête d'insultes et de harcèlement sur
les réseaux sociaux. J'ai aussi au droit à de nombreuses moqueries, de
la part de journalistes, chroniqueurs ou d'humoristes qui ont alimenté
la tempête auprès de leurs centaines de milliers d'auditeurs ou de
lecteurs." Mais les choses ne se sont pas calmées, et Caroline de Haas a fini par se retirer des réseaux sociaux, épuisée à force de devoir se justifier et de rectifier les propos qu'on lui attribuait : "Je suis fatiguée de ces violences. Je suis fatiguée de savoir que mes ami.e.s, ma famille et mes collègues voient des messages haineux à mon encontre. Je suis fatiguée de ces espaces sur lesquels des agresseurs, par milliers, me harcèlement et m'insultent en toute impunité. J'arrête. Je quitte les réseaux sociaux pour un temps indéterminé."
Caroline de Haas
Le militantisme use, et s'exprimer en toute liberté n'implique pas une absence de conséquences. Certaines femmes continuent à s'exprimer, d'autres, épuisées de devoir toujours se justifier, décident d'arrêter ou d'adapter leur lutte pour ne pas trop pâtir de la facilité avec laquelle les internautes peuvent réagir de façon brutale sur les réseaux sociaux. Alors, auto-censure ou préservation légitime et nécessaire ?
Marie.
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